Le cerveau Prédictif ou cerveau Bayesien (Aout 2025)


L'hypothèse du cerveau bayésien, également appelée théorie du **cerveau prédictif**, est une notion importante en neurosciences cognitives. Elle suggère que notre cerveau ne se contente pas de recevoir passivement des informations du monde extérieur, mais qu'il est un **système actif** qui construit en permanence un modèle interne de la réalité et génère des prédictions.

Voici les points clés de cette hypothèse :
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Production de statistiques et prédictions : Le cerveau compile constamment des statistiques à partir des informations qu'il reçoit. Ces statistiques lui permettent de construire un "monde interne" qui l'aide à interpréter l'environnement externe et à faire des prédictions sur ce qui va se passer. Le cerveau calcule en permanence ce qui devrait se produire en fonction de ce qui s'est déjà produit.
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Rôle de l'erreur dans l'apprentissage : Selon cette théorie, l'apprentissage est intrinsèquement lié à l'erreur. Lorsque les prédictions du cerveau se révèlent fausses (c'est-à-dire que les choses ne se déroulent pas comme prévu), le cerveau émet une alerte. Cette alerte déclenchée par l'erreur de prédiction permet alors au cerveau de corriger sa représentation interne du monde et de mettre à jour ses connaissances pour des estimations plus justes face aux nouvelles données.
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Reconstruction de la réalité : Le cerveau humain reconstruit la réalité à partir de fragments partiels d'informations captés par nos sens, comblant les lacunes au mieux de ses capacités. Par exemple, à partir d'une image partielle d'un cheval caché par des arbres, nous pouvons reconstituer la silhouette entière de l'animal. Ce que nous percevons est donc une création de notre cerveau, élaborée à partir des données disponibles.
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Capacité innée de prédiction : Le cerveau est naturellement conçu dès la naissance avec des prédispositions à formuler des hypothèses et à prédire. Le bébé est décrit comme un "superordinateur" capable de produire des inférences statistiques bayésiennes dès ses premiers mois de vie. Cette capacité innée est ensuite enrichie par le capital acquis en mémoire au cours de l'apprentissage et de l'expérience vécue.
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Fonctionnement probabiliste : Le cerveau évalue les hypothèses et leur attribue un coefficient de confiance ou de probabilité, même dès le plus jeune âge. Cette évaluation peut être automatique ou résulter de l'hésitation et du doute.
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Connexion avec la cognition incarnée : Le modèle théorique du cerveau prédictif est également lié au concept de "cognition incarnée" (embodied cognition), qui stipule que le fonctionnement du cerveau dépend fortement de son interaction avec le monde réel, de nos sens et de notre corps.


En somme, l'hypothèse du cerveau bayésien met en lumière une mécanique d'apprentissage étonnamment adaptable et dynamique, où le cerveau est un explorateur actif qui anticipe, modélise et ajuste en permanence ses représentations du monde pour naviguer et survivre.

Quand notre cerveau reconstruit en permanence la réalité (janvier 25)

Le cerveau reconstruit la réalité en permanence, car notre perception est limitée et que le cerveau doit compléter les informations manquantes pour créer une expérience cohérente. Cette reconstruction est influencée par divers facteurs internes et externes.
Voici comment le cerveau procède à cette reconstruction et les implications de ce processus :
*   **Perception limitée** : Nos sens ne captent qu'une partie de la réalité. Par exemple, nous ne voyons qu'une partie du spectre lumineux visible et notre ouïe ne perçoit pas toutes les fréquences sonores. De même, notre sens du toucher ne ressent pas les différents atomes d'une surface, mais interprète plutôt les informations à un niveau macro. Le cerveau utilise les signaux limités qu'il reçoit pour construire une représentation du monde.
*   **Complétion et cohérence**: À partir de ces informations sensorielles fragmentaires et limitées, le cerveau comble les lacunes pour créer une perception cohérente. Il ne se contente pas d'enregistrer passivement des informations, mais les interprète et les complète activement. Le cerveau fonctionne comme une « hallucination contrôlée », où une partie de l’information vient de l’extérieur et une autre est générée par le cerveau à partir de ses connaissances et expériences.
*   **Influence des a priori**: Cette reconstruction est fortement influencée par nos expériences passées, nos croyances, nos émotions, nos opinions politiques, notre culture, et nos a priori. **Le cerveau utilise des connaissances déjà stockées pour anticiper les évènements**. Les représentations mentales imagées aident à se remémorer un objet qui n'est pas dans notre champ perceptif.
*   **Mémoire et reconstruction**: La mémoire ne fonctionne pas comme un enregistrement fidèle du passé, mais plutôt comme une reconstruction au présent. Chaque fois que l'on se souvient de quelque chose, on le modifie et on le réinterprète à la lumière de notre état actuel.  Les souvenirs sont donc une reconstruction et non une reproduction exacte du passé. **Il est même possible d'implanter de faux souvenirs par suggestion et imagination**.
*   **Rôle de l'attention**: L'attention joue un rôle essentiel dans la perception et la mémorisation. Ce à quoi nous ne faisons pas attention est souvent non mémorisé et donc comme disparu, car le cerveau ne traite pas les détails qui ne sont pas ciblés par l'attention.
*   **Incertitude et ambigüité**: Plus un sujet est incertain ou ambigu, plus le cerveau est susceptible de le reconstruire en fonction de nos a priori.  Dans des situations d'incertitude forte, le cerveau va combler les manques à partir de nos expériences passées.
*   **Système 1 et système 2**: Le cerveau utilise deux systèmes de pensée : le système 1, rapide et intuitif, et le système 2, plus lent et analytique. Le système 1 intervient le plus souvent, notamment pour les décisions rapides, mais le système 2 peut être sollicité pour une analyse plus approfondie en cas de besoin. Le système 1 est économe en énergie, mais peut nous induire en erreur et conduire à des biais cognitifs. **Le biais de confirmation est un exemple de piège du système 1**.
*   **Continuité subjective**: Le cerveau crée une impression de continuité dans notre mémoire autobiographique, même s'il n'y a pas de preuve matérielle de cette continuité. Nous avons l’impression d’avoir toujours existé depuis notre naissance, mais nous ne pouvons pas toujours étayer cette idée avec des preuves.
*   **Plasticité cérébrale**: La capacité du cerveau à se modifier et se restructurer tout au long de la vie, appelée plasticité cérébrale, est fondamentale pour ce processus de reconstruction. Les apprentissages modifient la structure du cerveau et les connexions neuronales. La répétition et la réactivation d'expériences renforcent les connexions neuronales.
* **Les émotions**: Les émotions jouent un rôle important dans nos interprétations du monde et la façon dont nous vivons une expérience. L'hippocampe et le cortex préfrontal sont impliqués dans les émotions, qui permettent d'orienter la prise de décision.
* **Imagerie cérébrale**: L'imagerie cérébrale nous donne une illusion de voir le cerveau en action mais certaines zones peuvent s'activer sans que cela ne représente la totalité de l'activité cérébrale.
En résumé, la reconstruction de la réalité par le cerveau est un processus dynamique et actif qui dépend de nos perceptions, de nos connaissances et de nos expériences, avec une part d’hallucination contrôlée par notre cerveau. **Le cerveau crée des modèles pour comprendre le monde, mais ces modèles peuvent être influencés par nos a priori et nos émotions**. Bien que cette reconstruction nous permette d'évoluer de façon efficace dans notre environnement, elle peut aussi nous induire en erreur et déformer notre vision de la réalité.



Le cerveau reptilien n'existe pas


Le concept de « cerveau reptilien » est une simplification du fonctionnement cérébral qui a été popularisée par le modèle du cerveau triunique de Paul MacLean dans les années 1960. Ce modèle suggère que le cerveau humain s'est développé en trois étapes évolutives, chacune associée à des fonctions spécifiques:
Le cerveau reptilien : responsable des comportements instinctifs.
Le cerveau paléomammalien (ou limbique) : responsable des émotions et de la motivation.
Le cerveau néomammalien (ou cortex) : responsable des fonctions avancées comme le langage et le raisonnement.
Bien que ce modèle ait eu un certain succès, il est largement rejeté par la communauté scientifique car il simplifie à l’excès le développement cérébral et ne tient pas compte de la complexité de l’évolution.
En particulier, l'idée d'un « cerveau reptilien » est controversée et n'est pas un concept scientifiquement valide. Il est important de noter que même si le cerveau peut être divisé en grandes parties qui jouent un rôle dans les capacités d'apprentissage, il n'y a pas de région du cerveau spécifiquement dédiée aux instincts et aux comportements dits « reptiliens ».
Le cerveau est un système complexe et interconnecté, où différentes régions travaillent ensemble pour exécuter les fonctions cognitives. Les émotions, la motivation, l'attention, la mémoire et la prise de décision sont le fruit de l'interaction entre différentes zones du cerveau et non pas de zones cérébrales spécifiques et isolées. Par exemple :
Le cortex, la couche externe du cerveau, joue un rôle clé dans l'exécution des actions et la perception de l'environnement. Il est impliqué dans la mémoire, l'attention, l'engagement et l'apprentissage par les erreurs.
Le système limbique, au centre du cerveau, joue un rôle clé dans la mémoire et le traitement des émotions générées par l'engagement, l'apprentissage par erreur et ponctuellement l'attention.
En outre, la recherche suggère que les processus d'apprentissage impliquent des changements dans les connexions entre les neurones et la formation de nouvelles synapses. L’activité cérébrale est caractérisée par la connectivité fonctionnelle entre différentes structures impliquées dans l'apprentissage.
Par conséquent, il est essentiel de considérer le cerveau comme un organe dynamique et complexe plutôt qu’une structure divisée en zones aux fonctions spécifiques et distinctes. L’accent doit être mis sur la compréhension des mécanismes sous-jacents à l’apprentissage, plutôt que sur l’idée d’un « cerveau reptilien »
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Oui notre cerveau continue à créer de nouveaux neurones toute notre vie ! (février 25)

La neurogenèse est le processus de formation de nouveaux neurones dans le cerveau. Bien que l'on ait longtemps pensé que ce processus était limité à la période prénatale et à la petite enfance, la recherche a révélé que la neurogenèse persiste, à un degré moindre, à l'âge adulte dans certaines régions du cerveau.

 Voici les principaux aspects de la neurogenèse :

 • Période de développement : La neurogenèse est particulièrement active pendant le développement fœtal et la petite enfance, où un grand nombre de nouveaux neurones sont produits pour former les structures cérébrales. La migration des neurones vers le cortex cérébral est un processus important qui se déroule durant la période du développement.

• Neurogenèse à l'âge adulte: Bien que le taux de neurogenèse diminue avec l'âge, la formation de nouveaux neurones continue dans certaines régions du cerveau chez l'adulte. Les principales zones où la neurogenèse a lieu sont :
o L'hippocampe, impliqué dans la mémoire et l'apprentissage.
o La zone sous-ventriculaire (ZSV), à partir de laquelle les neurones migrent vers le bulbe olfactif.
• Facteurs influençant la neurogenèse : Plusieurs facteurs peuvent influencer la neurogenèse, notamment :
o L'activité physique : L'exercice physique a été montré comme un facteur qui stimule la neurogenèse dans l'hippocampe.
o L'environnement enrichi : Un environnement stimulant et riche en expériences favorise la neurogenèse.
o Les facteurs neurotrophiques : Ce sont des substances importantes pour la survie, le développement et la fonction des neurones.
o L'alimentation et une nutrition adéquate sont fondamentales pour le développement du cerveau. La malnutrition peut avoir des effets négatifs sur la neurogenèse.
•Le stress et la dépression : Ils peuvent inhiber la neurogenèse.

 

• Rôle de la neurogenèse dans l'apprentissage et la plasticité cérébrale: La neurogenèse joue un rôle dans la plasticité cérébrale, en permettant au cerveau de s'adapter aux nouvelles expériences. Les nouveaux neurones qui se forment dans l'hippocampe sont impliqués dans la formation de nouveaux souvenirs et l'apprentissage. L'apprentissage modifie le cerveau par la réorganisation de connexions cérébrales.
• Neurogenèse et maladies: Les troubles neurodéveloppementaux peuvent être liés à des altérations de la neurogenèse. Des problèmes dans la migration neuronale durant la période du développement peuvent engendrer des malformations.
Il est important de noter que la neurogenèse est un processus complexe et encore en cours d'étude. Bien que la recherche ait fait des progrès significatifs dans la compréhension de ce phénomène, de nombreuses questions restent sans réponse concernant les mécanismes précis de la neurogenèse, son rôle dans différentes fonctions cérébrales et son potentiel thérapeutique.
En résumé, la neurogenèse est la formation de nouveaux neurones qui se produit principalement pendant le développement, mais qui persiste également dans certaines régions du cerveau adulte. Elle est influencée par des facteurs tels que l'activité physique, l'environnement, les facteurs neurotrophiques et le stress, et elle est essentielle pour la plasticité cérébrale et l'apprentissage.
Il n'y a donc pas d'âge pour continuer à se former !


Le Contrôle Inhibiteur : Le Gardien Discret de notre Apprentissage (juin 2025)
On vous parle souvent sur ce site de l'importance de l'attention, de la mémoire, de la motivation pour apprendre. Et c'est vrai, ce sont des piliers fondamentaux. Mais il y a un acteur de l'ombre, un chef d'orchestre silencieux, sans lequel ces piliers s'effondreraient parfois comme un château de cartes : le contrôle inhibiteur.
Alors, qu'est-ce que c'est, ce truc un peu barbare ? Imaginez votre cerveau comme une forêt avec des milliers de sentiers. Certains sont des autoroutes bien tracées, des réflexes, des habitudes, des automatismes. D'autres sont de petits chemins sinueux, les savoirs pertinents ou les règles complexes. Le contrôle inhibiteur, c'est ce super-pouvoir qui vous permet de dire "STOP !" à l'autoroute quand elle mène dans le mur, pour prendre le petit chemin, même si c'est moins intuitif au premier abord. C'est la capacité à bloquer une réponse automatique, une distraction, une émotion négative pour se concentrer sur ce qui est pertinent.
Quand vous apprenez à conduire, au début, chaque action est un effort conscient, vous y mettez toute votre mémoire de travail. Mais avec le temps, ça devient automatique. C'est génial, ça libère des ressources pour discuter avec votre passager. Mais si un jour, vous devez freiner d'urgence alors que votre premier réflexe serait d'accélérer (oui, ça arrive !), c'est votre contrôle inhibiteur qui entre en jeu pour bloquer la mauvaise réponse et activer la bonne.
Ce rôle "d'aiguilleur du cerveau" est fondamental. Il nous permet de privilégier les stratégies appropriées et d'annihiler les inadaptées. C'est une des grandes découvertes des vingt dernières années en neurosciences.
Pourquoi l'Inhibition est-elle si importante pour l'Apprentissage ?
L'erreur(voir l’article qui lui est consacré en page 2 de « apprendre » est un carburant de l'apprentissage. Mais pour qu'elle soit fertile, il faut pouvoir la corriger, et souvent, cette correction passe par l'inhibition.
1. Dédouaner des erreurs persistantes et des pièges cognitifs :


 Notre cerveau adore les raccourcis. Il utilise des heuristiques (des règles simples et rapides) qui sont efficaces la plupart du temps, mais peuvent nous induire en erreur dans des situations spécifiques. Par exemple, pour comparer des fractions comme 2/5 et 2/4, l'heuristique nous dirait que 2/5 est plus grand parce que 5 est plus grand que 4, alors que la règle exacte est l'inverse. Ou encore, croire que les objets plus lourds coulent plus vite, ou qu'un seul fil suffit pour allumer une ampoule. C'est là que le contrôle inhibiteur devient notre sauveur. Il nous aide à bloquer cette première idée fausse pour activer l'algorithme correct. Jean-Luc Berthier le souligne : il faut "apprendre à raisonner et éliminer les réflexes mauvais parce qu'on en a plein et parce que la nature nous les a donnés". Dans la théorie piagétienne, l'erreur est décisive, car elle initie l'accommodation, la transformation de nos schèmes cognitifs pour s'adapter à de nouvelles situations. Il ne suffit pas de réexpliquer la règle, il faut apprendre à inhiber l'heuristique trompeuse.

2. Libérer la Mémoire de Travail (votre espace de travail mental) 


La mémoire de travail, c'est un peu le bureau de notre cerveau. Elle est super importante, mais elle a une capacité très limitée, à la fois en temps et en quantité d'informations. On ne peut y maintenir et manipuler que 3 à 5 éléments simultanément pour une tâche complexe. Si elle est surchargée, c'est la panique, l'apprentissage est entravé, et on risque l'incapacité à apprendre, voire une désactivation du cerveau. Le contrôle inhibiteur intervient en permettant de désactiver les informations non pertinentes qui pourraient encombrer ce précieux espace. Par exemple, en lecture, si vous devez vous concentrer sur le sens, il faut inhiber la distraction visuelle ou les pensées parasites. En réduisant les "charges superflues" ou "environnementales", on libère de l'espace pour la "charge pertinente"

3. Renforcer l'Attention et la Concentration


L'attention et le contrôle inhibiteur sont étroitement liés. Pour être attentif, il ne suffit pas de se focaliser ; il faut aussi savoir ignorer les distractions. C'est ce que les neurosciences appellent l'attention exécutive. Sans une bonne capacité d'inhibition, notre attention peut être constamment détournée par des stimuli non pertinents, ce qui ralentit considérablement l'apprentissage. Un environnement sans distractions est crucial pour le bon fonctionnement de la mémoire de travail.

4. Lutter contre les inégalités éducatives


Le développement du contrôle exécutif (qui inclut l'inhibition) est particulièrement visible chez les enfants issus de milieux où l'on insiste sur certains comportements, comme rester à table pour manger. Les sciences cognitives apportent des outils concrets pour lutter contre ces inégalités en ciblant le développement de ces fonctions essentielles. L'entraînement du contrôle inhibiteur permet de rendre les élèves plus résistants face aux conflits cognitifs.

Comment Développer ce Pouvoir ? Stratégies Concrètes pour Apprenants et Formateurs
Maintenant que vous êtes convaincus que l'inhibition, comment on la développe ? La bonne nouvelle, c'est que le cerveau est plastique et peut se remodeler tout au long de la vie.
Steve Masson dans son ouvrage « développer les compétences » (voir aussi la rubrique experts)  suggèrent plusieurs pistes, souvent complémentaires :
o. Réduire le "Besoin" de Contrôle Inhibiteur: L'idée ici, c'est d'agir en amont pour éviter que les automatismes indésirables ne soient activés trop fortement.
o Expliquer avant de confronter : Plutôt que de jeter l'apprenant dans une situation piégeuse et le laisser se débattre avec ses automatismes, il est préférable de lui expliquer les savoirs pertinents avant toute confrontation. Cela permet d'activer les bonnes connexions neuronales et de les consolider, augmentant le "poids" du système de raisonnement.
o Considérer et pratiquer les savoirs pertinents : En s'exerçant sur les règles et algorithmes corrects (système 2), on les renforce, rendant les automatismes moins dominants.
o Augmenter la saillance des éléments pertinents : Mettre en évidence visuellement ou oralement l'information cruciale peut aider à orienter l'attention et à activer les savoirs pertinents plutôt que les automatismes. Des pauses avant et après une information importante peuvent également aider oralement.
o Éviter d'activer les automatismes non pertinents : Au début, lors d'une explication, il est parfois préférable d'éviter les interactions qui pourraient inconsciemment renforcer les mauvaises habitudes.
2. Favoriser l'Activation du Contrôle Inhibiteur: Même après avoir réduit le besoin d'inhibition, les automatismes peuvent persister. Il faut donc entraîner activement l'inhibition elle-même.
o Alerter de la présence d'un piège : Informer l'apprenant qu'une situation contient un piège peut le mettre en mode vigilance et l'inciter à activer son contrôle inhibiteur. Une alerte spécifique, expliquant "pourquoi et à quoi il faut faire attention", est plus efficace.
o Apprendre à identifier les réponses-pièges et les situations-pièges : Entraîner les apprenants à reconnaître les erreurs automatiques et les contextes où ces erreurs sont probables leur permet de détecter eux-mêmes le besoin d'inhibition. Un outil comme l'"attrape-piège" peut être utilisé, où la réponse erronée est placée dans une partie hachurée (inhibition) et la bonne dans une partie non-hachurée (activation).
o Préactiver le cortex préfrontal : Engager le cerveau dans une tâche cognitive difficile juste avant une tâche nécessitant de l'inhibition peut "préparer" cette région cérébrale cruciale pour le contrôle inhibiteur.
o Laisser assez de temps pour répondre : L'inhibition demande du temps. Si l'apprenant est pressé, il aura tendance à se rabattre sur les automatismes. Il faut donc éviter les limites de temps trop courtes pour les tâches qui nécessitent une inhibition.
Une Pédagogie Éclairée par l'Erreur et l'Inhibition
Au-delà de ces stratégies spécifiques, une approche pédagogique globale favorise le développement du contrôle inhibiteur :
• Créer un environnement psychologiquement sécurisant : La peur de l'échec et le stress sont de puissants inhibiteurs de l'apprentissage. Une atmosphère où "l'oubli n'est pas puni mais compris" est essentielle pour que l'apprenant ose se tromper et explorer. Le formateur doit être bienveillant, accueillir la parole des apprenants et ne pas minimiser la difficulté.
• Le Feedback comme boussole : L'erreur est fertile à condition d'être identifiée pour être dépassée. Le retour d'information (feedback) est indispensable. Il doit être immédiat pour ne pas consolider l'erreur, qualitatif et explicatif, indiquant pourquoi la réponse est fausse et comment la corriger. "Ce qui se passe après le feed-back est le cœur de l’apprentissage".
• L'Engagement Actif et l'Auto-test : Le cerveau passif apprend moins bien. S'entraîner à récupérer l'information en mémoire (auto-test, quiz, schémas, explications) est beaucoup plus efficace que la simple relecture passive. Le fait d'expliquer à quelqu'un d'autre ce que l'on pense avoir compris révèle si l'on a réellement compris. C'est un processus exigeant, mais qui active davantage le cerveau.
• La Répétition Espacée : L'Alliée de la Mémoire (et de l'Inhibition) : Pour ancrer durablement les connaissances et consolider les bonnes connexions neuronales, la répétition est nécessaire, mais il faut qu'elle soit "distribuée" dans le temps plutôt que "massée". Cela permet au cerveau de mieux consolider l'information pendant les pauses, y compris le sommeil. L'entraînement "à froid" renforce d'autant plus les traces mnésiques.
• Gérer la Charge Cognitive : Moins, c'est Mieux : Il faut adapter la quantité et la complexité des informations aux capacités des apprenants pour éviter la surcharge. Cela passe par automatiser les prérequis, optimiser la présentation (par exemple, combiner oral et visuel ou privilégier l'écrit pour les informations complexes), réduire les distractions, et complexifier progressivement les tâches. Le concept de "difficulté désirable" est clé : la tâche doit être suffisamment exigeante pour stimuler, mais pas trop pour ne pas décourager.
• Informer les Apprenants sur leur Cerveau : Expliquer aux élèves comment leur cerveau apprend, comment la neuroplasticité fonctionne, et comment l'attention et la mémoire travaillent, est un levier puissant. Cela peut les aider à développer un état d'esprit de croissance (growth mindset), la conviction que leurs capacités peuvent s'améliorer grâce à l'effort. Une pédagogie bienveillante qui souligne les progrès sans comparer aux autres renforce ce sentiment d'efficacité personnelle.
Conclusion : L'Inhibition, une Compétence à Chérir pour un Apprentissage Puissant
En fin de compte, le contrôle inhibiteur est bien plus qu'une simple capacité à se retenir ; c'est une compétence fondamentale qui orchestre l'apprentissage en profondeur. Sans elle, nous serions des esclaves de nos automatismes et de nos distractions, incapables de corriger nos erreurs les plus tenaces ou de nous engager pleinement dans des tâches complexes.
Il est donc crucial de ne pas minimiser le temps et les efforts nécessaires pour développer cette compétence. En adoptant une approche pédagogique qui dédramatise l'erreur, offre des feedbacks constructifs, gère la charge cognitive, et surtout, qui entraîne activement cette capacité à dire "STOP !" aux mauvaises intuitions et aux distractions, nous pouvons transformer chaque faux pas en une opportunité de croissance.
Finalement, apprendre et enseigner efficacement, c'est comprendre comment notre cerveau fonctionne, avec ses forces et ses limites, pour l'aider à opérer à son plein potentiel. Et dans cette quête, le contrôle inhibiteur est un allié précieux, un véritable moteur pour un apprentissage durable et épanouissant.



 

 

 

 


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